Martin Laborde, Cheer Up Chicken!

28 mai –  19 juin 2021


Samuel Steward rencontre George Platt Lynes à New York en 1951 par l’intermédiaire de Gertrude Stein. Il a quarante-deux ans et connaît toute son œuvre, ses photographies de mode, de ballet, et sa production pornographique. Dans son salon de tatouage à Chicago, il vit entouré des reproductions de son travail qu’il admire avec ce respect qu’on n’accorde guère qu’aux personnes qu’on juge d’un autre temps ou d’un autre milieu. Ils n’ont pourtant que deux ans d’écart.
Quand Lynes lui ouvre la porte de son appartement, Steward a du mal à reconnaître le visage du jeune homme qu’il s’imaginait. Ils discutent comme s’ils se connaissaient depuis toujours. Avant de partir, Lynes lui montre les photographies qu’il conserve dans ses archives et lui propose d’en choisir une. Lorsque Steward lui en tend cinquante, il répond comme si de rien n’était : « Is that all ? », et les deux hommes se promettent de se revoir.
Durant les quatre années qui suivent leur rencontre, ils entretiennent une amitié qui ne cherche jamais à abolir entièrement la distance qui les sépare. Probablement pour ne pas abîmer l’idée qu’ils se font l’un de l’autre. Steward lui écrit régulièrement des lettres dans lesquelles il décrit dans le détail les relations sexuelles qu’il a avec d’autres hommes. Lynes lui envoie en réponse les photographies de ses amis et de ses modèles préférés. Il meurt en 1955.
Quand j’ai trouvé leur correspondance à la Beinecke Library de l’université de Yale, j’ai tout de suite pensé à Martin. Pour l’intelligence qu’il partage avec eux de savoir qu’il vaut mieux se demander où travailler et avec qui, plutôt que pourquoi. Celle qu’il a de prolonger son travail dans celui des autres, sans orgueil et sans jamais en faire un principe. Parce qu’il a lui aussi, comme moi, le goût des mythologies, qu’il sait qu’on avance d’abord par le fantasme mais qu’on est toujours en dessous. Parce qu'il a su prendre son parti de cette déception et faire de son travail le moyen de se dire que si les choses ne sont jamais autre chose que ce qu’elles sont, tant mieux, car il vaut toujours mieux partir d’elles que l’inverse.

Baptiste Pinteaux

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Ambulatory Magnolia


magnolia tree,
you‘re what I want to glut myself on
without a fear that I will go haywire from the surfeit

the magnolia tree smells like a kind of cherry
candy we’re not supposed to like
though we secretly crave it

Prince Philip died yesterday
and today the newspapers are trying to make us
revere his marriage to Queen Elizabeth
but I’m not in the mood to revere

tonight, I’ll finish watching the last Jean Seberg movie
Seberg was apparently hounded into suicide
by the CIA

I recorded myself singing
a cappella “I’ll Walk Alone”
but I’m not going to use that recording
as soundtrack for this little ambulatory film
because I don’t want you to know
that I walk alone

I’ve never met you
but you’re very important to me
as an apostle
of springtime’s refusal
to satisfy my retrograde appetites

my appetites aren’t difficult
to summarize or specify
so why am I making them seem so mysterious

springtime’s embrace of me will be more complete
the more murky and miasma-like
I make my appetites seem

I woke up this morning
and the magnolia tree, newly blossomed, said
“improvise a song for me
and make it diatonic”

reluctantly, I obeyed
despite my limited equipment

when I was a kid, I knew of a smoke shop
perhaps called the San Carlos Smoke Shop
and I suspected that it sold porn
however soft

I had many fantasies in those early years
of forging an ID
and simulating adulthood
and taking a slow bus
to the San Carlos Smoke Shop
and availing myself of the porn

I also contemplated wife-swapping
though I didn’t have a wife
and wasn’t myself a wife

waterbeds and wife-swapping,
strangely you are twinned for me
today under the magnolia tree

Wayne Koestenbaum