Berke Gold

KARAOKANTA

ouvert du 20 au 30 octobre, de jeudi à dimanche, de 14h à 19h et sur rendez-vous.

vernissage et karaoke le 20 octobre à partir de 19h,

y algo más le dimanche 23 octobre à partir de 14h.

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On n’est pas vraiment ni l’unx ni l’autre de grandxs fans de karaoké. On réussit le plus souvent à éviter, on part avant ou on arrive après, parce qu'on se dit qu’on préfère danser, quand il y a moins de paroles et plus de pénombre. Mais on est des grandxs fans de Berke Gold qui, lui, a beaucoup fréquenté des karaokés à Mexico ces derniers mois. Il y aime la foule dépareillée, le mélange des âges et des genres, les trémolos des voix des vieux et vieilles et les groupes d’ados bourréxs, et tout ce que cela crée d'enchaînements improbables de chansons, d’instants d’émotion brute et de ratés.

Les oeuvres de Berke sont tissées des déchets qui s’accumulent lorsqu’on passe du temps à draguer, baiser, jouer aux cartes, boire, fumer, faire du shopping ou regarder la télé pendant des heures d’affilée, c’est à dire ce que l’on choisit de faire sans trop y réfléchir aux moments où on fait ce qu’on veut. Parfois on laisse traîner ces pièces à conviction - tablettes de médicaments aplaties, bouteilles vides, emballages déchirés - mais on a plutôt tendance à les jeter avec plus ou moins de culpabilité dès le lendemain. Berke préfère les récupérer, les poinçonner et les assembler au crochet, activité qui occupe aussi bien les mains que les cartes et les cigarettes.

Les contours de ces différents objets donnent un premier canevas qui guide la forme, et de ces grilles ou cercles naissent des œuvres à mi-chemin entre le vêtement et l’objet domestique, entre l’icône et le porte-bonheur, entre l'autobiographie et la fan-fiction. Pour Berke, chaque pièce est un “alibi”, un prétexte pour documenter un voyage ou un trip, pour broder autour d’une histoire amoureuse avec une personne ou une star, pour enregistrer une semaine de flottement où il n’arrive pas grande chose : des hommages aux moments passés à rien foutre, avec grande application.

Ces pièces, créées ces dix-huit derniers mois au fur et à mesure de tutos de crochet et des trajets en train, composent pour Berke non pas une playlist, avec son travail méticuleux de transitions et de montées, mais un karaoké : une mise en relation aléatoire, inédite et chaotique, créée sur le moment par un amas d’humeurs et d’ambiances. Les pièces de Berke ont un peu de l’étrangeté séduisante des vidéos essentielles à ces soirées : ces versions instrumentales approximatives de tel ou tel morceau, habillées de couleurs saturées et de fondus enchaînés. Dans les deux cas, elles ne demandent qu'à être investies de la surcharge affective propre au fandom ; à défaut de cette participation - par timidité, par ivresse, parce qu’on n’aime pas ou parce qu’on a oublié les paroles - elles ne se livrent pas tout à fait mais continuent à défiler quand même. Et on peut toujours passer au prochain morceau.

Mathilde Belouali et James Horton