TORI KUDO : « DE METTRE LE PLUS DE CHOSES POSSIBLE DANS SA VALISE »
Exposition du 29 novembre au 21 décembre 2024
Vernissage le 29 novembre 2024 / 6pm
Parce qu’elles se confondent avec l’existence, il est des œuvres que l’on décide d’explorer avec méticulosité comme on déviderait une pelote de laine aux ramifications multiples. Les activités que déploie Tori Kudo avec une détermination discrète depuis les années 1970 appartiennent à cette catégorie. Kudo (né en 1958) est céramiste, cinéaste, anarchiste (« nous voulions détruire le Japon », dit-il à propos d’une époque révolue où les avant-gardes culturelles et politiques convergèrent). En outre, il est une icône discrète mais remarquable de la musique underground japonaise. Pianiste talentueux, guitariste autodidacte, Kudo est connu pour ses expériences buissonnières en matière d'improvisation, de musique outsider, de chansons naïves réhaussées par un art de l'erreur. Son œuvre est empreinte d’une approche programmatique – voire conceptuelle – qu’il concilie avec une science de la mélodie. Dans les années 1970 et 1980, Kudo a joué avec une série de groupes noise, drone et psych-punk éphémères, dont Guys & Dolls, Noise, Snickers, Sweet Inspirations et Tokyo Suicide. Il est le chef de file du collectif Maher Shalal Hash Baz qu'il a fondé en 1984 avec sa femme et collaboratrice de longue date Reiko Kudo, et le joueur d'euphonium Hiro Nakazaki. Le nom du groupe vient d’une citation en hébreu tirée de l’Ancien Testament qui pourrait se traduire par un truc du genre : « prends l’oseille et tire-toi ! » – un programme biblique quasiment proto-punk, selon Kudo. Groupe fascinant, émouvant, fragile, sublime, et surtout entêtant : celles et ceux qui connaissent, savent ! Une fois qu’on l’a découvert, Maher Shalal Hash Baz devient une obsession de digger – on appartient au groupe autant qu’il nous appartient. À géométrie variable, la composition du collectif varie au gré de ses déplacements, Tori Kudo intégrant souvent les gens du coin, musiciens ou non, à qui il fait déchiffrer et apprendre les partitions de ses morceaux avant les concerts. Une approche de la musique non-spécialiste qui rappelle, à certains égards, l’utopie marxiste d’un compositeur comme Cornelius Cardew et son Scartch Orchestra… Selon Kudo, la dimension structurelle de Maher Shalal Hash Baz est moins celle d’un groupe de rock traditionnel que celle d’une troupe de théâtre, toujours évolutive, avec son metteur en scène et ses acteur.ices. Le résultat est souvent hésitant, parfois cacophonique, mais toujours empreint d’une grande concentration collective. C’est la puissance et la fragilité de cette expérience commune qui fait parfois monter les larmes lorsqu'on assiste à un concert de Maher Shalal Hash Baz…
https://www.youtube.com/watch?v=KZYyLzy-LOY
Tout ça pour vous dire que ça faisait longtemps qu’on voulait inviter Tori Kudo à Treize. Jusqu’au jour où Guy Mercier, patron du label Bruit Direct, croisé dans une manif contre la réforme des retraites, m'a proposé d’organiser une exposition de Tori Kudo à l’occasion de la sortie du double LP « Studio Village Hototoguiss 2007-2022 » (2024) édité en collaboration avec Archeion. Kayo Makino, fondatrice de ce label japonais, a atterri un jour à Treize avec une valise remplie de choses. C’est ainsi que nous avons découvert que Tori Kudo produisait aussi des céramiques chez lui depuis les années 2000. Kudo a grandi dans l'atelier de céramique de son père, un peintre d'art informel devenu artisan, pratiquant la technique du Tobe-yaki. La céramique de Tobe est produite dans la préfecture d'Ehime, la ville natale de Kudo, depuis la fin du XVIIIe siècle et est connue pour ses motifs indigo distinctifs réalisés sur une porcelaine d'un blanc éclatant. Dans les mains de Kudo, cette tradition est honorée, déformée et élargie. Comme la musique, la céramique est un art de la fusion qui entrelace l’histoire collective, des souvenirs intimes, la tradition, une connaissance technique, des références culturelles et des accidents féconds. « Je ne suis pas un bon potier », a affirmé Tori Kudo lors d’un interview. Est-ce de la modestie, fausse ou vrai ? Peut-être qu’une bonne céramique ne doit pas être faite par un bon potier, après tout, puisque c'est par les accidents qu'elle se charge d'histoires. Et peut-être qu’il vaut mieux qu’une bonne mélodie soit jouée par un.e punk...
Exposition organisée à Treize par Gallien Déjean, Kayo Makino, Guy Mercier et Cay Rauscher.
https://bruit-direct.org/product/tori-kudo-studio-village-hototoguiss/
https://archeion.base.shop/
Merci à Julien Laugier pour les discussions de geeks autour de Tori Kudo.
Merci à Patricia Ancarno pour l'aide logistique.
Dans le cadre de l’exposition :
CONCERT MATINAL DE TORI KUDO À TREIZE
8 décembre 2024 vers midi
Événement !
Exposition ouverte du jeudi au samedi entre 14 et 19h
ou sur rdv