Images de la guerre #1

La guerre contre les peuples n’a jamais pris fin. Rétrospectivement, le continuum impérialiste qu’elle dresse ne peut s’appréhender qu’à travers des récits situés – et leurs images –, les images de la guerre.

Si on l’a dite coloniale, puis préventive, humanitaire, cybernétique ou hybride, spatiale ou sous-marine, la guerre est avant tout le théâtre d’une débauche technologique et cynique, qui vise à parfaire et poursuivre la domination de quelques grandes puissances sur l’ensemble du globe. Alors, si, pour toutes ses prétendues spécificités, l’industrie de l’armement a toujours su adapter ses « solutions » – aviation, nucléaire, drones, liaisons satellites et tant d’autres –, celles-ci demeurent le nom d’un paradoxe ineffable : celui d’une tension décisive entre production et destruction, appelée ici innovation, médiatisée par des images.

Car depuis la Grande Guerre et l’invention du cinéma, l’armement nécessite et implique la production d’images. Des images pour construire, convaincre, reconnaître, opérer, terroriser..., des images pour tuer. Ainsi, si on ne peut réduire ces images au rang d’illusions tenaces ni les ériger en preuves irréfutables, il convient tout de même de rappeler que les horreurs de la guerre agissent sur le monde, et que ses outils et sa logique s’infiltrent dans nos vies, redessinant insidieusement nos manières de voir et de croire. A ce titre, le cinéma et la pensée de Harun Farocki constituent probablement l’un des outils les plus nécessaires et pertinents à notre disposition. Nous nous appuierons en particulier sur un texte de 2003 intitulé Le point de vue de la guerre.

Comme le rappelait Kracauer, sous l’égide de la propagande, le cinéma se meut en une « machine à fabriquer des causalités rassurantes ». Ainsi, « pour mieux comprendre le monde », il nous faut douter du récit simpliste que nous offrent les images. A ce titre, Farocki et d’autres proposent une autre voie, dans laquelle le film est un outil au service de la pensée critique. Les coulisses idéologiques et techniques des images sont mises au jour ; le montage dissèque pour mieux détourner, pour prévenir l’esthétisation outrancière dans laquelle, nous le verrons au sujet de la guerre, le cinéma spectaculaire s’est toujours immanquablement vautré... Cette séance sera donc l’occasion de faire découvrir ou redécouvrir certains cinéastes contemporains qui s’inscrivent dans ce sillage critique et matérialiste du cinéma.

Rendez-vous donc ce lundi 26 mai à 20h chez Treize (24 rue Moret, 75011) pour « Images de la guerre », discussion autour d’une sélection de documents audiovisuels visant à questionner les liens entre guerre, technologie et représentation. La projection sera suivie d’un temps d’échange.

Films présentés :
Kamal Aljafari, Paradiso, XXXI, 108 (19 min | 2022)
Marcel Mrejen & M’Hand Abadou Djezairi, Untitled (Assets) (2 min | 2024)
Forensic Architecture, Cloud Studies (26 min | 2021 | version anglaise non sous-titrée)

Cet événement s’inscrit dans la préparation du week-end de mobilisation « Guerre à la guerre », les 20, 21 et 22 juin prochains, contre le Salon du Bourget.